"Je vois ce que je crois"
Nous
avons tout sous les yeux. Autrement dit, tout est là. Difficile à
croire. Précisément, peut-être, parce que la croyance joue un rôle
important dans l'appréhension de l'œuvre. Or, l'œuvre, simple, se pose en
carrefour de voies multiples, d'apparence contradictoires, d'évidence
sans liaison, tantôt triviales, populaires, voire populistes, tantôt
élitistes... On recherche alors un mode d'emploi, un sens giratoire, supercherie, kitch, mauvais goût, absence, pédanterie graphique... Tout
y passe. Mais on ne s'y retrouve pas davantage.
Peut-être
parce que ce n'est pas l'objet qui est en question, mais bien le regard
qu'on porte sur lui ? Ce regard qui nous conduit à voir ce que l'on
voit. Ce regard qui anticipe, d'une certaine façon, l'œuvre. L'illusion
n'est pas une fin. En revanche, l'hésitation qu'elle suscite est bien
délibérée. Le balancement constant qu'elle produit, de la perception
d'une réalité photographique à celle d'une interprétation graphique,
ouvre sur une dimension autre de l'image. Celle-ci présenterait en
quelque sorte son envers et accuserait l'usage comme réceptacle de
projections subjectives que nous lui improvisons. A une idéologie d'une
réalité unique, commune et partagée, lui est substitué un brouillage
destiné à rendre visible sa matrice normative. L'hésitation ouvre sur
le doute. Elle introduit un jugement critique. Voir la représentation
de l'objet - visage ou fleur - est une chose. Voir l'objet « image » en
est une autre.
Ici, l'œuvre donne bien plus encore à
percevoir, et en particulier cette croyance qui précède l'appréhension
de l'objet et qui tente de le soumettre. Voici réintroduite au cœur de
la problématique l'expérimentation chère au public, en des termes moins
familiers. Mais c'est bien en cela que l'expérience est intéressante,
puisqu'elle se nourrit de l'émotion. Elle la bouleverse et lui ôte
toute souveraineté pour ouvrir, alors, sur une connaissance de
l'altérité.
Olivier Beaudet
texte édité sur olivierbeaudet.fr.st de 1998 à 2002. 1998
iconographie : olivier beaudet, I love you..., 2000