• Pourquoi ne voles-tu pas ?
    Quel est donc le poids qui t'empêche de voler avec moi ?
    Ainsi parlait Zarathoustra –
    Nietzsche



    À contempler l'un des autoportraits où Aurélie Gatet se met en scène et saute vers l'infini de l'azur, je ne peux m'empêcher de penser au Saut dans le vide d'Yves Klein, non parce qu'elle joue, comme lui, d'un trucage - elle a recours à un trampoline - mais parce qu'elle me semble à la fois y répondre et le prolonger. J'y retrouve le même désir d'apothéose qui se manifeste à travers cette tentative de s'extraire des lois de la Nature. Toutefois, près de cinquante ans plus tard, elle ne réitère ni la même expérience, ni la même image. La tension qui résulte de cet équilibre chancelant, entre la perfection héroïque et la gravité terrestre, préfigure la chute. Quand Klein la maintient en suspension, Aurélie Gatet provoque sa rupture.


    Si, grâce à la magie de l'image, son corps parvient malgré tout à se suspendre au ciel, ses pieds demeurent plastiquement liés au sol. Dans cette vision moins utopique, voici le rêve d'Icare avorté, peut-être même tué dans l'œuf puisqu'il n'y a pas d'envol. Demeure, seul, un désir frustré. De cette déception surgit le corps. La négation de cette utopie le rend tangible. Il se fait chair. Nous existons à travers ce corps qui se meut et y éprouvons son inaliénable finitude. On ne s'arrache pas aux lois de la physique. Pour autant, le rêve d'échappatoire n'est pas nié. Il est là, présent, à l'amorce de toute action. Il n'y a donc pas une négation du rêve ou de son rôle, mais une négation de sa vérité. Par opposition à l'image de Klein, celle d'Aurélie Gatet le suggère simulacre dans son essence. Il s'agit cependant moins d'en critiquer le caractère illusionniste que de poser cette caractéristique comme fondamentale.


    Alors que le visage de Klein s'abandonne au vide, celui d'Aurélie Gatet se tourne vers la chute, son regard vers ses pieds qui la trahissent. Son corps se manifeste pondéral. Il se fait pesant. Rendus flous, ses mains et ses bras suggèrent la durée. Ils focalisent notre regard sur ce qui est net : cette tentative d'envol rendue désuète. Tout comme Klein, elle se joue de la loi de la gravitation et de l'attraction universelle. Mais, plutôt que de la nier, elle pousse sa logique jusqu'à l'absurde. Avec Newton, la Terre retient le corps de l'artiste qui rêve d'un envol. Mais Aurélie défie la foi quasi aveugle que nous avons en la science, d'une façon à la fois drôle et terrible. Mise à l'oblique, la ligne d'horizon souligne la chute pour intensifier son effet. Aussi, dans sa retombée, Aurélie Gatet nous promet, en guise de renversement, un tremblement tellurique dont l'amplitude pourrait bien provoquer quelques tsunamis ou, tout au moins, quelques battements d'ailes de papillons. L'auto-dérision qu'elle affiche, procède tout autant du dessin animé que du jeu d'enfant, en somme, quelque chose dont on ne peut pas être totalement dupe. Ce n'est pas la quête des forces spirituelles, qui gouvernent l'Univers, qui guide son travail, mais ce qui est là sous nos pieds. Il est d'ailleurs moins question d'ésotérisme que de la complexité du vivant. Le secret n'est plus celui d'un "ce qui nous guide", mais bien d'un "ce que nous sommes".


    Mâle ou femelle, bon ou mauvais, rond ou carré, mort ou vif... C'est à croire que notre rapport au monde se décline principalement dans le contraste pétrifiant d'une dualité ou d'une opposition ferme. Pas de place pour le doute, guère plus d'espace pour l'ambiguïté ou le paradoxe. Alors, comment s'y retrouver avec son œuvre, que ce soit ses dessins, ses performances ou encore ses vidéos, et pour commencer ses photographies ? Aurélie Gatet cultive le mélange des genres. Déjà, sa double formation, à la fois scientifique et artistique, contribue à la définir comme une aberration, une figure hybride, peut-être bien une chimère. Par défaut, on lui attribuerait volontiers du pathos, dans l'élan héroïque d'un diagnostic empressé. En effet, tout comme le monstrueux, la maladie rebute ; elle effraie, tant elle porte en elle ce risque majeur, le désordre intérieur, la démence ou folie pure, dont l'effroi nous agite d'emblée le spectre d'une possible contagion. Lâchons-le : on craint d'y perdre son humanité ! Aussi, lâchons-la, à moins qu'on ne tergiverse encore d'un dilemme binaire : le clystère ou la saignée ?


    Aurélie Gatet s'immisce dans l'entre-deux et se prête à un réexamen de nos représentations. Elle scrute celles qui dépeignent le monde et lui donnent un caractère univoque, permanent, et irrévocable. Elle révèle alors notre faculté à ignorer, à gommer ou peut-être tout simplement à dissoudre ce qui viendrait nuire à cet équilibre. La juxtaposition d'autoportraits et de photographies prises dans des musées de sciences naturelles ou centres de divulgation scientifique, interroge, dans la perspective d'une construction identitaire, notre relation tant à la nature qu'à la culture. Le point de vue revendique son caractère équivoque parce qu'il mêle volontiers des aspects qui sont tout aussi artistiques, psychologiques, qu'éthologiques. Ainsi, une large part de son travail se présente comme une invitation à regarder ce qui est par nature invisible. Mais, c'est l'idée de nature, plutôt que la nature elle-même, qui est épinglée dans les mises en scène dont elle est l'auteur, et parfois, le spectateur privilégié.


    Ses photographies ont une étrange familiarité avec le mode du dispositif qui trouve actuellement une expression emphatique dans la création contemporaine. Le travail qu'elle mène déjà depuis plusieurs années, au coeur des musées occidentaux, procède en partie de cette esthétique, bien qu'Aurélie Gatet n'intervienne pas sur la mise en scène des objets. Son intervention se limite à un recadrage qui met en abîme la façon dont sont stockées ou scénographiées les collections. Ses images ont donc ceci en commun avec le dispositif, qu'elles proposent une vision qui outrepasse l'objet mis en scène, et souligne qu'il se situe au centre d'une focalisation savamment orchestrée. Ce débordement permet d'introduire, dans le champ de l'image, l'espace dans lequel se joue la valorisation, en y incluant aussi bien les moyens de celle-ci, comme les vitrines, que les frontières qui formalisent l'espace de la représentation, comme le cadre du diorama, ou encore, l'architecture dans lequel vient s'inscrire le dispositif muséal. Or cette mise à distance, ce recul soudain, qui associent des perceptions différenciées, redoublent la mise en scène à la manière d'un commentaire critique. Ce doublement n'efface, ni ne vient se substituer à l'image initiale. Mais loin d'une redondance, le mécanisme allégorique ajoute une signification nouvelle, qui, en complétant la première, la déborde et s'y superpose.


    Ainsi, les images d'Aurélie Gatet résistent à l'interprétation hâtive ou l'appréhension immédiate, parce qu'elles mêlent à leur surface les plans et les "niveaux de lecture". Elle nous livre une image condensée de points de vue différenciés. L'une des conséquences premières, c'est probablement la réintroduction de l'espace même du regardeur dans l'œuvre. S'évanouit alors ce leurre hérité de la pensée cartésienne, d'un regard sans corps dans un espace indéterminé, comme hors du temps. Ceci altère irrémédiablement l'idée que l'on se fait de la représentation. L'artifice vu comme tel, nous remet en permanence les pieds sur Terre, comme il en est du théâtre de Brecht. Ainsi, la condensation d'univers perceptifs et de registres variés nous apparaît comme autant de fictions qui nous permettent d'inventer le réel sous la forme d'un mille feuilles de réalités subjectives.


    « Lorsque le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt ». Aurélie Gatet se situe du côté du simple. Avec elle, le doigt du sage n'est plus l'invisible vecteur qui désigne la lune ; mais il entre dans le champ du regard. Soudain, son épaisseur matérielle se pose en obstacle à l'oeil, alors qu'un savant système de hiérarchisation perceptive et culturelle parvenait à le dissimuler ou le fondre, pour que triomphe au centre de l'image, la lune, lumineuse et iconique. L'introduction du doigt, dans le champ du regard, nous conduit à considérer celui qui désigne. Regarder le doigt du « sage », c'est introduire une relativité toute subversive, qui entraîne son halo de doute. Croire ? S'en remettre à une médiation ? Plus qu'une prétendue contingence, c'est la chair et sa temporalité qui investissent non seulement l'image, mais également celui qui la contemple. Lorsque le sage d'Egypte montrait la lune, c'est Thot ou peut-être Khonsou, invisible, qu'il s'agissait d'entrevoir. Or, si l'idiot focalisait son attention sur le doigt, il manquait inévitablement le divin. Mais il rapportait à l'index ce pouvoir de magie si créateur d'images et de mythes. Dès lors, nous voilà moins intimidé par la puissance céleste des invocations, que par celle qui consiste à nommer le monde. C'est-à-dire, à lui donner sens et en faire ainsi son pseudonyme. Regarder le doigt ouvre sur un fait social, une dimension politique, où nommer s'investit d'un caractère relatif. Je peux m'en emparer à mon tour. Voici le pouvoir au creux de la main, au bout du doigt.


    Aurélie Gatet nous conduit à nous interroger sur le « pourquoi le monde est-il devenu rond ? ». Pour elle, il s'agit moins de penser le monde que d'en interroger les représentations successives, afin de susciter des perméabilités entre chacune de ces sphères mentales. La tentative, qui l'anime, vise à ouvrir sur une perception globale, non hiérarchisée, à la limite du réel et de l'imaginaire, des modalités de l'existence de l'homme. Cela participe, alors, d'une apologie de l'imaginaire, où celui-ci n'est plus perçu en opposition au réel, mais comme le moyen du lien à ce dernier. Elle introduit un relativisme sceptique à l'égard de nos vérités qui fissure la conception progressiste opposant le logos au mythos. Aurélie Gatet nous pousse à éprouver combien, du point de vue de notre existence, l'un se nourrit de l'autre. Distinguer les sciences, la philosophie ou l'art, reviendrait à discerner des familles ou des espèces, chacune n'ayant que peu à voir avec la vérité, quelle qu'en soit l'ambition tautologique toute partagée. Au fond, chaque discipline se préoccuperait seulement d'inventer de bonnes histoires. Cette approche critique s'affirme dans la continuité d'un travail qui interroge le statut des images ou des représentations dites du réel. Étanche, le réel nous offre seulement sa résistance, et celle-ci se décline à travers ce que nous désignons réalité et dont le caractère est intensément subjectif et pluriel. C'est pourquoi nos musées, comme notre quotidien, sont pour Aurélie Gatet des laboratoires où se fabrique en continu cette réalité. L'intarissable reconfiguration du réel n'est-elle pas, si ce n'est le moyen, du moins l'expression de la nature humaine qui, dans son ipséité, se manifeste sous l'apparence d'une mutation permanente ?


    Olivier Beaudet




    Olivier Beaudet, "Entre ciel et terre, ou le monde pour pseudonyme", catalogue Et pourtant elle est ronde, galerie l'Oeil-Ecoute, 2008

    iconographie : Aurélie Gatet, sans titre, 2007







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  • Olivier Beaudet : Tu as obtenu un diplôme d'Ecole Nationale Supérieure d'Art. Pourtant tu as également étudié l'éthologie et la muséologie des sciences. En quoi ces deux aspects sont-ils déterminants pour toi ?


    Aurélie Gatet : Je poursuis une recherche plastique sur l'image, en photographie, vidéo et performance. Je suis fascinée par la somme et la diversité des ressemblances et des différences qu'il existe entre deux êtres humains. Je joue des mécanismes de l'apprentissage tels que l'imitation, la répétition ou la mémorisation pour mettre en scène des situations, parfois burlesques, afin de tester l'état d'« être au monde », en tentant d'en donner une image. Toutes les étapes de la construction des images sont « empreintées » de la culture dans laquelle je baigne, et en sont, dans le même temps, un balisage. Les musées sont pour moi un terrain de jeu privilégié dans lequel je déambule depuis l'enfance. Temple du savoir, conservatoire des trésors d'une certaine humanité, ou lieu de délectables baguenaudages, j'ai eu la chance de passer de l'autre côté du miroir, et j'en ai rapporté quelques souvenirs !


    OB : Pourquoi avoir souhaité passer de l'autre côté du miroir ?


    AG : Je suis captivée par tout ce qui n'est pas montré et par les façons dont on classe et répertorie. L'important pour moi, c'est de mettre en évidence tout le décalage qu'il y a entre le travail d'exposition et celui de conservation. La question du choix m'intéresse aussi. C'est bien sûr une question artistique mais aussi une question politique. Ce n'est pas tant qu'on voit mieux dans une réserve, mais plutôt que ce lieu permet de mettre en évidence l'écart entre ce qui est valorisé, ce qui est montré, et ce qui ne l'est pas, et enfin la façon dont on montre une oeuvre. Qu'est ce que donner à voir ? Au fond ce sont les mêmes questions que l'on se pose lorsque l'on crée une image.


    OB : Tu donnes parfois l'impression d'aborder le musée comme un enfant qui pénétrerait dans le grenier d'un aïeul en quête de secrets.


    AG : C'est juste ; je pars en quête de trésors.


    OB : En même temps, il y a quelque chose d'une attitude scientifique dans tes photographies ?


    AG : Oui, parce que je m'interroge sur le sens que porte chaque objet. Je me demande s'il faut avoir un rapport rationnel avec cela ou si l'humanité ne se révèle pas dans tout l'imaginaire qu'on peut y mettre. Mais, j'ai peut-être davantage une attitude analytique que scientifique.


    OB : Lorsque tu visites les réserves du musée de l'Evêché, on a le sentiment que tu proposes un dialogue permanent entre l'idée qu'il s'agit d'un patrimoine historique public et celle d'un patrimoine personnel qui reste à inventer. Entre la recherche analytique et l'approche imaginative de l'enfant, n'y a-t-il pas là un paradoxe ?


    AG : J'ai le désir de montrer que la culture est quelque chose qui se construit. Elle est contextuelle. C'est vraiment cette question de la construction de l'être au regard de sa culture qui m'intéresse. Nos musées et leurs collections sont porteurs de tout cela. Ils en sont des révélateurs. On se construit sur cette base commune mais également au fil des expériences du quotidien. Au fond, notre culture se partage en grande partie sous la forme d'une réappropriation très personnelle et guidée par notre imaginaire.


    OB : Selon toi, il y aurait toujours une forme de réappropriation qui nous individualiserait et nous donnerait une forme de liberté ?


    AG : L'individu n'a rien d'un simple réceptacle. Chacun est acteur de l'enrichissement de cette culture partagée.


    OB : Certaines de tes photographies semblent mettre en scène des vestiges ou fragments oubliés. Penses-tu que la réserve joue un rôle d'antichambre de la mémoire avec son lot d'amnésies ?


    AG : À travers la mémoire et l'oubli, ce sont tous les mécanismes de choix, d'apprentissage et cette volonté d'en tirer du sens, de construire une cohérence par rapport à tous les traceurs d'une culture qui constituent une mémoire collective. Mais c'était aussi, plus naïvement, avec un regard enfantin, aller dans le grenier puis faire ressurgir des trésors oubliés, transformer la poussière en histoire. Ce qui est excitant dans l'espace de la réserve, c'est précisément que le statut des objets demeure énigmatique. Il n'y a rien d'évident. Ainsi, avec la photographie, il devient possible de détourner les objets, de renverser les statuts, tout cela, en se donnant beaucoup de libertés par rapport à la nature première de l'objet ou celle de son entrée en collection. Il ne s'agit pourtant pas de réhabiliter un objet du patrimoine, mais de construire une image qui le transforme parce qu'il participe d'une mise en scène.


    OB : On est alors dans le fantasmer ou la projection la plus totale ?


    AG : Je m'étais donnée pour règle du jeu de ne rien déplacer, aucun objet, aucune oeuvre, et de faire avec l'éclairage ambiant. Je ne voulais pas intervenir autrement qu'avec le jeu du cadrage, celui de mon appareil photo. Mais d'une certaine façon, effectivement, on est loin de la réalité.


    OB : Lorsqu'une œuvre entre dans les collections du Musée, elle devient inaliénable. C'est-à-dire qu'il n'est plus possible de la soustraire aux inventaires. En termes de conservation, elle reçoit une attention privilégiée sans comparaison avec le cadre doré qui l'accompagne. Tu introduis un véritable chaos dans cette hiérarchie.


    AG : Dans mes images, la hiérarchie entre les oeuvres et les objets qui les entourent, c'est celui qui regarde qui l'introduit. Mais c'est surtout, pour moi, une façon de mettre en balance les choix qui sont réalisés, non pas pour porter un jugement de valeur, mais plutôt pour rendre l'existence du choix plus évidente. Cependant, lorsque je photographie, je suis dans l'intuition. La référence au temps qui passe est très présente. Mes images s'apparentent à des vanités, mais cette fois moins centrées sur l'être humain, peut-être, des vanités de notre culture. Même si le musée semble repousser la mort pour promettre l'éternité et sa jouvence aux objets qui le portent en gloire, il n'en a pas moins une affaire pressante avec elle. Soyons clairs : nos musées sont des conservatoires ; leurs trésors portent en eux quelque chose d'immuable. Pourtant les réserves dévoilent la fragilité de cet apparent équilibre. L'atemporalité et la permanence y deviennent des concepts précaires. C'est le lieu même où se rend visible l'effort et tout le travail de conservation. Avec la mise en scène et les artifices qu'elle déploie, l'exposition tente, à force de cohérence et de rationalisation, de donner une image sublimée de la culture.


    OB : Longtemps, dans les grands musées d'Europe, alors même que l'on généralisait les accrochages historiques, les salles dédiées aux chefs d'œuvres sont restées attachées à une muséographie qui renforçait le sentiment qu'ils échappaient au temps.


    AG : C'est pourquoi la présence de la poussière joue un rôle si important dans mes images. Cette sédimentation constitue un témoin tangible, un marquage du temps, et de la dégradation qu'il implique. C'est une vision assez romantique.


    OB : Certes il y a là quelque chose de l'ordre de la vanité, mais pas seulement. Tu as réalisé une photographie qui présente des fragments de statuaire juxtaposés. En raison de leur aspect très fragmentaire, il semble qu'on ait plus affaire à quelque chose de l'ordre de l'artefact que de l'œuvre d'art. Pourtant, si la Vénus de Milo a perdu ses bras, elle n'en demeure pas moins une œuvre à part entière. Je dirais même qu'elle est, en raison de cette lacune, perçue dans un état de plénitude sans doute plus parfait que si elle était complète ou complétée. C'est dans cette perspective d'ailleurs, que Rodin et de nombreux artistes ont sculpté des œuvres finies dans un état d'inachèvement.


    AG : C'est bien en cela que je parle d'une réhabilitation. Le fait de les donner à voir leur offre une nouvelle chance dans l'espace de mon image. S'il est question d'esthétique, c'est avant tout celle de pouvoir porter un autre regard sur ces objets. Inévitablement, cela parle en même temps de l'envers du décor. J'ai envie de donner à voir quelque chose dans un autre lieu et d'appuyer le regard sur l'état dans lequel il se trouve, ou l'état dans lequel il peut être, précisément parce qu'il est entreposé dans cet espace de réserve. La mise en exposition permet de clarifier les choses. Tout y devient cohérent ou harmonisé. Par opposition, en réserve, le statut de l'objet demeure ambigu. Cette brèche me permet d'inventer autre chose, comme de nouvelles fictions. Ainsi, par la mise en scène, je crée un nouveau contexte destiné à nourrir l'imaginaire, sans pour autant évacuer les caractéristiques de l'espace qui ouvre ces libertés.

     

     



    Ce qu'elles réservent, dialogue entre Aurélie Gatet et Olivier Beaudet, mai 2007. Exposition "ce qu'il nous réserve", premier vollet de "La grue niche sur le toit", musée de l'Evêché, Limoges, du 4 au 30 juillet 2007. Edité également dans le catalogue La Grue Niche sur le Toit, musée de l'Evêché, 2007

    Aurélie Gatet m'a proposé d'écrire un texte sur ce travail photographique sur les réserves du musée de l'Evêché, pour le catalogue de l'exposition, principalement parce que j'enseigne la muséologie à l'Unviersité de Limoges. Nous avions déjà eu quelques conversations privilégiées qui débordaient très souvent du seul cadre de l'artistique. J'ai donc eu une préférence pour un dialogue plus ouvert et donc plus représentatif de sa démarche.

    iconographie : aurélie gatet, sans titre, photographie, 2007

     

     

     


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