• Blablabla...



    L'appropriation de l'espace, c'est un truc récurrent dans la création actuelle et ça me gonfle de ce fait. Mais chez toi c'est jamais un cri qui se réduit à un « moi je » . C'est plutôt un débordement de ce « moi je ». J'entends par là, que ton appropriation, du point de vue du public, a un sens réel car elle ne se limite pas à un constat d'existence narcissique. Mais elle ouvre sur une dimension partagée qui me semble être mêlée de culture et d'éthologie.


    Tes surprises visuelles sont des bombes à retardement, parce qu'elles explosent les habitudes, les coutumes, l'ordre des convenances. En somme, tu utilises les rites et leurs codes non plus pour leur donner une nouvelle vigueur, mais bien pour sortir de ce phénomène toupie qui donne un sens particulier aux choses et au monde qui nous entourent. Marcel Duchamp disait du goût qu'il était le fruit de l'habitude. Ton œuvre désigne quant à elle les vérités comme les produits de l'habitude.


    Poursuivons avec Heidegger, pour qui les coutumes sont ce dont on a perdu le sens. L'habitude a cette faculté magique non seulement de générer des règles (pense que le droit français est un droit coutumier) mais également de se rendre invisible. Cette invisibilité n'a rien d'une disparition, ni même d'une négation. Elle tient d'une dissolution, un peu comme un sucre dans un bol de thé chaud. « Il est là, mais on le voit pas. Plus on le cherche moins on le trouve » pour citer Coluche. Il n'en est pourtant pas moins actif ! C'est l'ensemble de ces principes actifs que tu rends à nouveau visible en les prenant à revers, à contre sens. Or cette soudaine visualité leur donne une résonance nouvelle et dans un même mouvement elle éclaire un autre principe : celui qui les met à jour.


    Pour bien voir une chose éclairée, il vaut mieux être dans l'obscurité et suivre l'onde lumineuse comme le vecteur du dévoilement. Toi, tu retournes la torche. On obtient donc un nouvel éclairage sur les objets - tes décalages visuels. Mais plus encore, ce renversement plonge dans le faisceau lumineux celui qui désignait, celui qui nommait : notre Culture.






    Olivier Beaudet, blablabla..., texte tiré d'une correspondance électronique avec Alix Delmas et publié pour l'exposition d'Alix Delmas à la galerie de l'Ecole des Beaux-Arts de Marseille, 2003. Proposition de l'artiste.

    iconographie : alix delmas, une chambre d'hotel à Orléans, 44,5 x 59,5 cm, photographie, 2001






    Tags Tags : , , , , , , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :